présentation
Romain et Sabah, deux enfants de neuf ans qui vivent dans le même lotissement, se sont construit des mondes imaginaires pour échapper au réel. Échapper par les rêves aux peurs et aux suspicions de leurs parents, à l’égard de l’autre et de ses différences. Eux s’aiment, un point c’est tout, et voudraient à jamais rester ensemble. Mais leurs parents en ont décidé autrement.
« Souvent, au cœur des histoires que j’écris, j’imagine des enfants perplexes. Enfants pour lesquels le réel tel qu’il leur est donné à vivre fait question. Enfants qui doutent, qui s’inquiètent. Enfants qui, à la lumière crue des choses telles qu’elles sont, opposent leur soif d’autre chose : un désir d’enrichir leur présence au monde de charges poétiques, oniriques, abstraites, énigmatiques. » F.M.
Grand Prix de littérature dramatique jeunesse 2018.
Deutscher Kindertheaterpreis 2018
pour la traduction allemande de Leyla-Claire Rabih et Frank Weigand.
extrait
Romain
Maman était dans la cuisine avec Papa. Ils s’embrassaient, comme d’habitude, et Papa touchait les fesses de Maman, comme d’habitude, et Maman passait sa main dans les cheveux de Papa, comme d’habitude quand elle ne lui touche pas les fesses elle-aussi. Ça me dégoûte pas mal, l’amour. Sur le plan de travail, il y avait l’assiette de Sabah. L’assiette de mamarkraouts. Sauf qu’elle était vide. J’ai demandé : vous avez mangé tous les mamroukats ? Comment c’est possible de manger plein de kramamouts en même pas une minute. Papa m’a répondu : c’est vachement lourd, les pâtisseries algériennes, Romain. Maman a ajouté : c’est pas mauvais, mais c’est vrai que c’est vachement lourd. Papa : même les Arabes disent que c’est lourd. Maman : on les a jetés, il ne faudra rien dire.
Silence.
C’était ce jour-là où je me suis dit que mes parents étaient peut-être racistes et que j’étais tombé amoureux.
l’arche éditeur – 2017