présentation
Ouais, petite fille rêveuse et flegmatique passe le plus clair de son temps avec sa Mémé Blanche, son excentrique grand-mère. Ensemble, elles jouent au badminton avec un volant invisible, dansent à la guinguette du coin, se racontent des histoires sur les grandes femmes de l’Histoire… Et puis, Pépé Lulu est mort il y a trois mois. Mémé Blanche a besoin de compagnie et elle commence sérieusement à dérailler !
Ouais ne comprend pas. Ses parents disent que Mémé Blanche aurait une chose dans la tête, ce « truc avec un nom bizarre ». Mémé Blanche, elle, prétend plutôt que c’est Léon Zitrone qui la lui a volée.
Ce dialogue, drôle et touchant, met des mots simples et tendres sur la maladie d’Alzheimer.
extrait
Ouais.
Sûre de toi ?
Mémé Blanche.
File, je te dis, et ne te fais pas piquer.
Ouais.
Mais si je finis en prison ?
Mémé Blanche.
Personne ne te mettra en prison, pour deux raisons. Primo : tu ne te feras pas prendre. Deuzio : tu es trop petite pour être écroulée.
Ouais.
Écroulée ?
Mémé Blanche.
En prison. Quand ils t’enferment, on dit qu’ils t’écroulent.
Ouais.
Parce que dans ta cellule, tu es tellement abattue que tu t’effondres.
Mémé Blanche.
Allez c’est pas la mer à boire.
Ouais.
Et qu’est-ce qu’on fera des sucettes quand je les aurai volées ?
Mémé Blanche.
D’après toi ?
Ouais.
On les sucera ?
Mémé Blanche.
Ouais.
Ouais.
J’ai qu’à en acheter.
Mémé Blanche.
Je veux que tu les voles.
Ouais.
Mais pourquoi ?
Mémé Blanche.
Parce que. Tu les voles un point c’est tout. Courage. Vérifie que personne ne te surveille du coin de l’œil.
Ouais.
Si Papa et Maman apprennent ça, ils vont me priver de poney jusqu’à ma majorité.
Mémé Blanche.
A ta majorité, tu auras la taille de monter sur de vrais chevaux, alors on s’en fout.
Ouais.
Bon ben je vais aller voler des sucettes puisque tu me le demandes.
Mémé Blanche.
Vas-y.
Ouais.
J’y vais.
Mémé Blanche.
Allez.
Ouais.
Combien j’en vole ?
Mémé Blanche.
Une dizaine. J’en veux une au coca-cola, et une vanille fraise. Les autres, c’est toi qui vois.
Ouais.
J’y vais.
Mémé Blanche.
Fonce.
Ouais.
J’y vais pas.
Mémé Blanche.
Quoi ?
Ouais.
Je peux pas.
Mémé Blanche.
Comment ça, tu ne peux pas ?
Ouais.
Je ne peux pas voler des sucettes.
Mémé Blanche.
Pourquoi ?
Ouais.
Parce que.
Mémé Blanche.
Parce que ça ne se fait pas ?
Ouais.
Parce que je ne l’ai pas décidé. Même si c’est toi qui me le demandes, il faut que je le décide. Que je le décide seule, pour moi et pour toi, mais d’abord seule. Et je décide de ne pas. Voilà. Si tu veux des sucettes, Mémé Blanche, tu vas te les voler toi-même.
Mémé Blanche.
C’est bien. Je suis fière de toi. Tu es la meilleure petite-fille du monde.
Ouais.
Ah bon.
Mémé Blanche.
C’était un petit cours improvisé de forge de caractère.
Ouais.
Zut alors je m’étais pas rendue compte.
Mémé Blanche.
Parce que je suis fine, très fine.
Ouais.
Heureusement que je ne suis pas allée te voler des sucettes. Je trouvais ça bizarre, vu que tu n’aimes pas le sucre.
Mémé Blanche.
J’aurais préféré un bon litre de vinaigre bien acide.
Ouais.
Mais toi, tu n’as jamais volé de sucettes ?
Mémé Blanche.
Bien sûr que si. A ton âge, tu sais, j’étais la plus discrète.