« Pour écrire ce roman, j’ai sillonné l’Oregon, l’Utah et la Californie dans une voiture de location. J’ai erré dans le Tenderloin, au bord de la Willamette ou sur Venise Beach. J’ai écouté les grands espaces parler de psychés en vrac. J’ai évité de justesse un ouragan. J’ai traqué un grizzli. J’ai pris un selfie avec des bisons. J’ai lu Carver et Brautigan en me disant : pfiou, ils sont forts. Pour écrire ce roman, je me suis souvent levé à quatre heures du matin. Je me suis souvent couché à quatre heures du matin. J’ai beaucoup sympathisé avec des veilleurs de nuit américains dans des hôtels sans prestige. J’ai bu dans les six-cents litres de café filtre. J’ai mal dormi pendant sept ans. J’ai abandonné cent fois. Sur la même table, j’ai posé Stephen King tout près de Julien Gracq et j’ai cherché l’interstice. J’ai écouté Leonard Cohen en boucle. Et puis Lana del Rey, Micah P. Hinson, Mogwai, Bashung. Pour écrire ce roman, j’ai pu compter sur des amies, des amis. J’ai pas vécu un paquet de trucs. J’ai cessé d’être moi, de longues heures, pour mieux être moi-même, donc personne, au cœur de Jodie, dans son cœur connu et inconnu, où j’aurai vécu sept ans. Maintenant, ces moments, ces années, cet ermitage en plein monde, ces plages de silence, c’est un livre. Il s’intitule Écouter les sirènes. C’est pour vous. Et pour Suzanne, où qu’elle soit. »
Fabrice Melquiot
Parution chez Actes Sud le 28 août 2024