Tarzan Boy

présentation

« Toi aussi, tu es né à Modane. Nous tous. »

Petite ville française à la frontière de l’Italie, Modane est au centre de trois textes. Plus qu’une toile de fond, la ville est une instance qui voit, entend, sait tout, une force qui s’infiltre, partout. L’auteur donne vie à des personnages, pris entre un désir ardent d’émancipation et celui, contradictoire, d’un retour aux sources.

Dans Tarzan Boy, « chanson-drame », ce sont des fantômes qui parlent. Modane est témoin de souvenirs d’adolescence, d’amours contrariées, au rythme de musiques populaires.

 

extrait

– Je n’habite plus le monde. Je ne suis plus là. J’ai quitté la terre. Je suis en exil. Hors de moi. J’ai cédé mon corps à deux étrangers. Un enfant que je ne connais plus, un enfant qui me ressemble mais son visage est abandonné. Il partage mon corps avec un autre, qui me ressemble, mais son visage est grave, son regard fuyant. Comme en colocation, tu vois. Moi, je suis ailleurs. Je suis ce sac plastique, là-haut, dans le vent, je suis le vent qui gonfle le sac tandis que mon corps s’abîme. Il n’y a plus que ce corps étrange, il n’y a plus que mon corps étranger, deux corps étrangers dans mon corps étranger. Mon corps est occupé. Alors je pars. Je vais partir. Je suis parti. Où est Modane ?

– L’exil est envoûtant. Il instille son venin dans mes veines. Ça me file des boutons d’acné, gros comme des bolets.

– Des perce-neiges, après la forêt, au fond du puits. Est-ce que tu les vois ?

– Antoine et Laurent Gagliardi, Stéphane Damas, Hugues Selvaggini, Jérôme Arnaud, Gaël Dollé, Sébastien Talour, Stéphane Gervasoni, Nathalie Mestrallet, Sylvie et Maryline, François-Pierre Vignoud, Najib Mohammed, Caroline Marchand, Xavier Nuer, Patrice et Jérôme Julien, Jean-François Cataldo, Grégory Covarel, Angélique Mascaro, Marie-Joseph Gagnière, Stéphane Nichilo, Jean Orset, Carole Lombardo, Luc Jammes, Cindy Brochard, Glamala Yahiaoui, Jérôme Pech, Franck et Marie-Pierre Sagué, Guglielmo Fabroccini, Patricia Vahratian, Thierry, Eric et Michel Berthelot, la petite Martine, leur frangine, qui a deux beaux enfants qui font de la danse et puis de l’escrime, Pilou Damevin, Estelle Garino, Marie-Luce Serain, les demoiselles Genoulaz, Robert Pulice, Gérald Margueron, Nathalie Pautas. Aucune ville n’est plus belle. Il n’y a pas d’autres villes.

– Il me sauve, ce grand ménage de la mélancolie sur les carapates d’hier, les corvées, les meurtrissures ; il me sauve, ce temps inexistant où l’on marche à rebours ; Betty, j’aime hier aujourd’hui, jusqu’à aimer ce qu’hier j’ai haï ; tu sais que c’est la neige, la neige – La seule saison qui passe sur les choses, c’est l’hiver de chez moi, l’hiver des montagnes. L’hiver est passé, tu vois, il vidange la mémoire, tant mieux. Je pense à hier, quand j’avais treize, quatorze ans, et je suis bien. Je ne suis pas fâché. Je n’aimerais pas être un garçon fâché.

 

l’arche éditeur – 2010