Printemps

présentation

Printemps s’offre en miroir de L’homme libre : l’alter ego féminin de Gus, Nadja, a dix-sept ans et le cœur atomisé. Pour se réparer, elle regardera six-sept photographies. Écrite autour de ce chiffre, la pièce révèle la force que l’on peut puiser dans le désespoir où l’attente de l’autre pèse comme le monde. « Mais au dernier mouvement, tout explose. »

 

extrait

Nadja

1 – Rallumer l’ordi

2 – Googliser The Falling man

3 – Voir s’afficher 7 millions de résultats

4 – Aller dans images

5 – Agrandir la photographie de l’homme au pantalon noir, chemise ou veste blanche ou bien les deux ; il a la tête en bas, on l’a pris dans sa chute à 9 heures 41 minutes et 15 secondes, devant un paysage de stries qui vont du gris clair à l’anthracite

6 – Nom du photographe : Richard Drew

7 – Te dire qu’en déchirant le selfie des Mad Tea Cups de Disney, tu as déchiré cette image

8 – Tous les événements sont reliés entre eux, te dire ça

9 – Cet homme, d’après Wikipédia, c’est probablement Jonathan Briley, frère d’Alex Briley, chanteur du groupe Village People ; te dire, sans vergogne : Jonathan Briley c’est moi

10 – Répéter : lui c’est moi nous sommes tombés

11 – Relier les événements entre eux au point de les confondre

12 – Ne même pas t’en vouloir de l’analogie obscène

13 – Y aller carrément : le vingt-et-unième siècle a commencé par cette chute et avec toi

14 – Une poignée de secondes, pour que le corps de l’homme impacte le sol avec une violence qui lui a fracassé les os, dilacéré tous les organes ; et toi de rester assise à ton bureau farci de stickers publicitaires – Apple, Converse, Oxbow, Eastpack

15 – T’abimer dans la photographie et pleurer sur toi en pleurant sur lui

16 – Te dire que c’est irréel, parce que trop réel

17 – Ne plus voir, ne plus rien voir, ne plus savoir où tu vas – où aller sans Yari ? – te demander ce qui va se passer, maintenant – et maintenant ? – comme ces gens qui, après des minutes suspendues sur les rebords, se lâchaient des fenêtres les plus hautes sans savoir de quoi serait faite la mort, à supposer qu’elle ne soit faite que de mort, à supposer que peut-être elle soit faite d’autre chose ; comme ces autres encore, désorientés, perdus, errant dans la poussière, et la cendre, et la fumée, et les corps sans ailes

 

l’arche éditeur – 2017