Le poisson combattant

Monologue

présentation

Le Poisson combattant raconte un vagabondage, l’histoire d’une rupture au sein du couple. Un homme s’en va en emportant le poisson combattant de sa fille échappé de son bocal. Il le garde dans sa poche et cherche où l’enterrer. Comme le vestige d’un amour passé, à bout de souffle, crevé comme un poisson, qui peu à peu se regonfle au contact de l’eau. Et si tout n’était que chimère, mise à l’épreuve, jeu dangereux ?

 

extrait

Le lendemain matin / je vous rends visite / façon de parler. J’ai pris soin de te prévenir / c’est dimanche. La petite me saute au cou / écrase son visage contre le mien / me roue de baisers / je pourrais l’étrangler. Je l’embrasse sur tout le visage / avec l’air du chat qui lape sa soucoupe de lait / après la diète. Tu nous regardes avec une espèce de sourire sympathique / content même disons carrément content ton sourire est content. Au salon on prend un thé. On mange des biscuits. Il y a des silences / en dérapages contrôlés. La petite me demande des nouvelles du poisson combattant. Je plaisante / j’avais besoin de compagnie / besoin d’un animal qui ne fait pas de bruit / c’est pour ça que je l’ai emmené / ton petit poisson mon oiseau. Elle dit : ça me rassure qu’il soit avec toi. On reprend un thé. On remange des biscuits. Je prends congé / façon de parler. Sur le seuil  / tu me remets sur l’épaule / la putain de main compatissante de ta race / la main là tu sais la main / et franchement ça fait chier / putain de main là tu peux pas t’en empêcher. Je regagne le Bugey / l’Hôtel du Bugey / à Belley.

Je ne suis pas ta victime / je ne suis pas ton bourreau / nous n’avons pas été méchants / pas injustes / pas infidèles à quelque parole donnée. Et maintenant tu me regardes avec une espèce de sympathie super lourde / quand tu me tendais les biscuits tout à l’heure c’était pfff / comme si j’étais l’ancien pote du bahut / le pignouf qui t’aurait branchée sur ton premier mec / Looser Boy. Je te regarde et je ne t’aime plus / c’est vrai. Je ne t’aime plus. Ce n’est pas une raison pour devenir gentille.

 

l’arche éditeur – 2015